Joli décembre au Rwanda...
Publié le 12 Février 2015
En décembre 2014, j'ai été invitée par l'Association Rwanda Avenir à mener des ateliers d'illustration avec des enfants, pendant la période des grandes vacances. Les ateliers ont lieu dans la maison de quartier fondée par l'association et sa présidente, Florence Prudhomme.
L'association a dix ans, et s'est implantée dans un quartier (l'umudugudu Imena) où vivent des veuves rescapées du génocide des Tutsis de 1994.
La maison de quartier est un lieu de reconstruction psychologique et social, par des espaces de thérapies, de libération de la parole, de travail de mémoire mais aussi de formation professionnelle. Plusieurs coopératives de femmes s'y sont montées, leur assurant une source de revenus.
Pendant trois semaines, je vais donc travailler avec les enfants et petits enfants de ces femmes.
Michelle Muller, qui filme les différentes actions menées à la Maison et qui accompagne Florence sur ce projet depuis plusieurs années est aussi du voyage.
Merci à Djeco de nous avoir donné plein de beau matériel, dont ces très jolis feutres pinceaux qui ont beaucoup servis!
Les enfants inscrits à l'atelier n'ont jamais fait d'art plastique. Ils dessinent bien sûr, avec des bics, sur leur cahier d'écolier. Plusieurs d'entres eux me montrent des voitures dessinées en perspective, ou des bandes dessinées.
Je commence les premiers ateliers avec des sujets assez simples, histoire de faire connaissance...
Je suis accompagnée dans cette aventure par Joséphine, qui sera mon assistante et ma précieuse traductrice...
Nous commençons les ateliers par des sujets simples, les oiseaux, la nature, pour faire connaissance...
L'arbre de Jabo. Nous essayons différents outils, dessiner à l'encre de Chine, les feutres pinceaux, les poscas, l'acrylique, les encres de couleur...
Pendant que se déroulent les activités de la Maison, chaque matin, nous nous installons sous le kiosque au centre du jardin.
Derrière le kiosque, il y a un champ de maïs et de manioc. Quand les enfants sont absorbés par le dessin et la couleur, nous entendons le chant de différents oiseaux.
Ici la nature est riche, généreuse.
Très vite autour de la maison, je repère une dizaine d'espèces d'oiseaux différents, les petits colibris à la tête noire et au dos turquoise, le grand acajou avec ses rayures blanches sur la tête...
Un jour un oiseau est entré dans la maison. Affolé, le cœur battant, il s'est posé sur la chaise en rotin après s'être cogné à la fenêtre. Immobiles, Florence et moi avons pu l'observer en détail, la tête rouge, les joues bleues, la gorge blanche rayée de noir, du jaune au bout des ailes..
Chaque matin, nous nous installons sur la grande natte, je lis des albums, traduit par Joséphine. Ensuite je demande aux enfants de me raconter des contes, des histoires, des devinettes... Ils en connaissent beaucoup! Souvent reviennent ces personnages récurrents du lièvre Bakamé, qui est intelligent, rusé, et de la Hyène Impiyssi, bête et méchante.
Je me sers, chaque jour, d'une histoire qu'un enfant a raconté, ou d'un ensemble de devinettes comme support de l'atelier d'illustration.
J'enregistre les enfants, et retranscrit tous ces textes.
Après Bakamé, nous dessinons Impyissi, la Hyène! Célèbre, elle revient dans beaucoup d'histoire racontée par les enfants.
Illustrations de devinettes dont les réponses étaient la lettre, l'ombre de la silhouette, l'épi de maïs, la nuit.
Illustrations de devinettes dont les réponses sont le lion, la forêt, les champignons, la nuit, la queue de la souris.
Pendant que nous dessinons sous le kiosque, chaque matin la maison vit ses activités quotidiennes...
Depuis trois mois l'association a commencé un projet appelé "Les Cahiers de Mémoires". Un premier groupe de rescapés du génocide a été formé, ils se retrouvent à la Maison pour échanger, s'encourager à écrire ou à enregistrer leurs témoignages.
Ils se retrouvent pour se lire les témoignages, parlent... Ils est important de créer un espace de parole et de reconstruction pour ces personnes, car cet espace n'existe pas réellement, n'est pas encouragé ou accepté par la société.
Cet atelier est encadré par le Professeur Basengo, et Jean-Paul, jeune employé de l'association.
Durant notre séjour Florence revoit les traductions, certains détails avec les rescapés, le but étant la publication de tous ces témoignages.
Michelle filme, cette fois elle demande aux rescapés de raconter un bon souvenir.
Bellancille participe aussi à la chorale des Grandes Mamans. La chorale se réunit tous les mardis et jeudis matins, pour chanter des contes et berceuses, pour garder vivant ce patrimoine oral. De gauche à droite : Thérèse, Eugénie, Pascasie et Thérèsie.
Une autre action de la Maison. Florence et Michelle ont accompagnées des mamans de l'umudugudu Imena dans le sud du Pays, pour un voyage culturel. Elles ont rencontrées d'autres femmes, qui pratiquent l'Art Imigongo, un art de peinture mural, géométrique, souvent en noir et blanc, chargé de beaucoup de symbolique, qui a failli disparaître suite au génocide. En effet, beaucoup de maisons décorées ont été détruites et de nombreuses femmes porteuses de la tradition ont perdu la vie.
Vénérande, une vieille dame experte dans l'Art Imigongo, est ensuite venue à Kigali former certaines femmes du quartier.
La coopérative de femmes Agatako est née de cette expérience, elles produisent des tableaux qui en plus des vertus thérapeutiques que cet art peut représenter, leur donnent une source de revenus, à travers l'exposition de leurs travaux en France et au Rwanda.
Durant mon séjour elles ont produit une série d'œuvres qui seront exposées dans la galerie marseillaise d'Agnès B. avant l'été prochain.
Michelle a réalisé un film sur les femmes qui pratiquent cet art.
La première étape est le dessin à la craie du motif sur une planche en bois. Ici, c'est Béata qui s'en charge.
Puis un enduit blanc est passé sur l'ensemble, et ensuite on peint les motifs avec des couleurs issues de matières naturelles. Mimi, Françoise et Ziada.
Extrait de film de Michelle Muller.
Avec Florence et Michelle, on a pris un petit week end pour aller voir le lac Kivu, nous sommes allée à Kibuye!
Les barques des pécheurs. Les grandes perches installées à l'avant du bateau maintiennent le filet. Les hommes pêchent la nuit, avec des petites lumières pour attirer le poisson.
Voilà, des dessins on en a fait des centaines! J'en montre une partie, des petits extraits... En tout cas c'était une magnifique aventure, un très beau voyage, de superbes rencontres... J'ai découvert un pays meurtri mais tellement beau, des gens d'une douceur... J'ai hâte de revenir! Merci à Florence et Michelle pour leur invitation, leur accueil... Merci à Annonciata, Vincent, Jean-Paul, Jean-Pierre, Joséphine pour la chaleur de leur accueil et les moments partagés! Et merci aux enfants pour leur participation inconditionnelle, concentrée et colorée
Pour ceux qui veulent s'informer, en savoir plus sur le Génocide des Tustsis et des Hutus modérés en 1994, voilà quelques pistes de lecture : La série de livres de Jean Hatzfeld bien sûr, ceux de Scholastique Mukasonga.
Une BD de Patrick de St Exupéry et Hyppolyte : "La fantaisie des Dieux. Rwanda 1994."
Un livre qui m'a donné énormément de réponses : SurVivantes d'Esther Mujawayo, c'est un livre vraiment formidable, équilibre parfait entre témoignage, bilan, travail de reconstruction personnel et collectif, coup de gueule...
Quelques liens :
Chères grandes mamans, chères mamans et jeunes de l'umudugudu Imena, chères amies d'Avega et de Icyzere family, c'est la première fois que j'assiste à des journées de mémoire comme celles-ci...
/http%3A%2F%2F1.bp.blogspot.com%2F-JL7C4gK2ZzA%2FUt5qywAe1dI%2FAAAAAAAABMM%2FZvf0kfoJf9U%2Fs1600%2Frwanda295.jpg)
Hippolyte Le Blog: La Fantaisie des Dieux - Rwanda 1994 // Patrick de Saint-Exupéry, Hippolyte
Je viens de finir mon nouvel album avec Patrick de Saint-Exupéry, grand reporter et rédacteur en chef de la revue XXI. 96 pages de BD Reportage à paraître en mars, aux éditions Les Arènes. Vo...
http://hippolyteleblog.blogspot.fr/2014/01/la-fantaisie-des-dieux-rwanda-1994.html
Génocide: comment cela peut-il arriver? Et si on en réchappe, comment peut-on y survivre? À travers le destin d'Esther, Rwandaise aujourd'hui psychothérapeute spécialiste des rescapés, c'est ...
http://www.franceculture.fr/oeuvre-survivantes-de-esther-mujawayo
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Scholastique Mukasonga - Le site de Scholastique Mukasonga
Amis lecteurs, Un malheureux contretemps dont je ne suis en aucune façon responsable ne m'a pas permis de participer aux Cafés Littéraires de Montélimar. J'en suis profondéments affligée et v...